Quelle a été ma réaction lors de la mobilisation ?
Un désarroi profond, la sensation d’un bouleversement complet dans nos habitudes, une tristesse difficile à décrire qui imprégnait tout le monde.
Pour réagir, mon impulsion me pousse vers le vélo. Ce fameux vélo qui console, et qui roule, toujours sur Morlaix (ça descend), puis sur Keravezen (ça monte, peu importe), où tout le monde s’active aux battages. Il faut se presser, car les hommes vont partir : tonton Guillaume, Jean Laé, Louis Laé, Ollivier... et combien d’autres qui aident avant de s’en aller. Tous mobilisables.
J’ai seize ans, je suis valide, je monte sur la meule de blé, et au travail. J’en oublie de reprendre la route du retour, il n’y a pas de téléphone, j’oublie la guerre, je mange, je bois, je dors, je travaille durant deux jours, avant de penser au retour !
En revenant à Plouigneau, mes parents sont soulagés, mais mon père se fâche tout rouge. Je suis consigné dans ma chambre... pour un après-midi. J’en profite pour piquer un roupillon.
Et la vie reprend son petit train-train. Heureuse nature qui me permet de tourner la page triste aussi rapidement, et je ne suis pas le seul. Car les Français s’habitueront aussi. La “drôle de guerre“ qui commence va durer neuf mois, jusqu’à l’invasion de la France par les Allemands.
A suivre